La lettre de septembre

Bonjour à toutes et à tous ☺, voici les dernières nouvelles de la ferme...

Grande nouvelle : la saison du délectable chou Romanesco vient de commencer ! De quoi faire le plein de vitamines et de sels minéraux au changement de saison... C’est la première année qu’il est aussi réussi de manière homogène. Cette ravissante variété ancienne couleur de jade, aux fleurettes arrangées en cône à la géométrie sophistiquée, est originaire de la région de Rome comme son nom l’indique. Elle exige une hydratation régulière. C’est ce que Vincent a réussi à obtenir, grâce aux améliorations apportées à son système d’irrigation, et en dépit des liserons qui prétendaient régner en maîtres sur ce champ (voir la Lettre du 27 septembre 2016). Une fois récoltées les quatre lignes de 100 m de Romanesco, les grands moyens seront employés : les envahisseurs seront tirés hors de terre mécaniquement et la terre sera préparée pour accueillir fin mai, début juin, pour occuper cette parcelle de façon dissuasive et étouffer l’adversaire, du sorgho (dont le gros système racinaire assurera une bonne structuration du sol) mélangé à des féveroles, du pois fourrager, des vesces (ces légumineuses rechargeront le sol en azote) et du tournesol.

Pour ce qui est du brocoli, une nouvelle récolte s’annonce. Après un démarrage difficile dû au fait que la nombreuse population de lièvres considère leurs tendres bourgeons floraux comme une friandise à nulle autre pareille, c’est parti et bien parti. La lutte contre les altises a par ailleurs porté ses fruits. Les petits ravageurs ailés s’en donnaient à cœur joie au milieu des nombreuses brassicacées présentes dans les champs : toutes les variétés de choux jusqu’aux choux-raves, navets, radis, rutabagas, roquette, moutarde, etc... Un vrai festin ! Et alors... Vincent a eu recours à son pulvérisateur et à un produit autorisé en culture bio trois fois par an, le Success IV, si efficace que les agriculteurs "conventionnels" s’y mettent aussi... Son seul défaut : il coûte abominablement cher (250 Euros les 25 cl !). Il est aussi très efficace contre les doryphores mais, ô bizarrerie des homologations, il est autorisé sur les aubergines mais pas sur les pommes de terre... Hum... On aimerait comprendre...

Ah, les pommes de terre ! Après la pénurie de l’an dernier, due à la sécheresse, l’irrigation a été entièrement revue (voir les Lettres du 6 octobre et du 18 novembre 2016), et ce gros travail (et investissement) est récompensé par de belles récoltes. En primeurs et jusqu’à début août, nous nous sommes régalés de la variété Avanti. Iber, qui est maintenant embauché en CDI à la ferme et sur qui Vincent peut compter, avait eu la bonne idée de couper en deux les très gros tubercules livrés pour être plantés, en s’assurant bien de la présence de germes annonciateurs des futures tiges sur chaque moitié, ce qui a doublé la capacité de plantation. Plantée avec optimisme le 15 mars, cette courageuse variété s’est bien refaite après le gel du 20 avril et a pu être récoltée début juin !
Depuis début août, c’est la tendre Marabel qui nous offre son goût agréable et doux. Polyvalente en cuisson, elle convient aussi aux gratins, purées, frites et en pommes de terre au four... Idéal pour l’automne qui s’annonce. Traitez-la avec douceur en venant chercher vos paniers : sa chair délicate est sensible aux chocs. Elle a bon caractère et n’a pas bronché lorsque le système d’irrigation a flanché. Tout est rentré dans l’ordre après une bonne purge, effectuée quand il était en marche, donc sous pression. Vincent en a retiré un inventaire à la Prévert : noyaux de cerises, brindilles et branchages, gravillons et même, hélas... un crapaud !

Et devinez qui d’autre a apprécié d’être bien abreuvées ? Les salades bien sûr ! Splendide récolte cette année : vertes ou rouges, des fondantes laitues pommées aux croustillantes frisées multi-feuilles, sans oublier les décoratives feuilles de chêne, les savoureuses Batavia ou encore les Iceberg croquantes et rafraîchissantes, dont on coupe en grosses lanières les belles pommes vert clair qui en font la reine des sandwiches et des crudités... Elles nous ont sans faillir apporté leur fraîcheur inégalée (ici, une pensée émue s’impose pour leurs malheureuses consœurs avachies sur les étals...), même pendant les très fortes chaleurs (et là, une pensée reconnaissante à Vincent et à ceux qui y ont contribué avec lui). Après les binages mécaniques du début entre les rangs de jeunes feuilles, elles ont été dorlotées et binées à la main une fois que leur étalement a rendu ceux-ci impossibles.
Comme les brocoli et surtout les côtes de bettes, dont la fragilité exige qu’on s’en occupe sous 48 heures, les salades méritent la priorité dans la gestion de nos ressources hebdomadaires. Soigneusement enveloppées individuellement dans un torchon humide, elles conservent cependant jusqu’à 5 jours une belle fraîcheur dans un réfrigérateur, précisément parce qu’au départ leur fraîcheur est réelle ! Profitons-en...

Pour les accompagner, échalotes, oignons et fines herbes nous permettent de varier les saveurs. Après les oignons blancs précoces, frais et doux, voici les succulents oignons rouges, les classiques oignons jaunes et les oignons rouges longs de Florence, aux bulbes en forme de fuseaux, avec leur peau carmin et leur chair blanche, douce et sucrée, qui font merveille dans les salades et les crudités. Tout ce petit monde a énormément souffert de la concurrence des mauvaises herbes (difficile de distinguer les tiges des oignons de celles des envahisseuses !), tout comme les échalotes. C’est la première année que Vincent cultive l’échalote Griselle, incontournable en cuisine. On la plante à l’automne. Son petit bulbe long et arqué cache sous la peau grise très dure et très épaisse qui la protège une chair violette au parfum inimitable. Pour l’éplucher, on tranche l’extrémité du bulbe juste au-dessus des racines, puis on entame franchement la peau sur toute la hauteur : on n’a plus qu’à écarter délicatement la peau comme une coque, et le tour est joué... Entière, elle parfume et allège le jus d’un rôti de veau ou d’un filet-mignon en cocotte ; émincée, elle rehausse les vinaigrettes et... c’est la saison, fait merveille avec les champignons d’automne. Sa cousine Grisor, plantée au printemps, offre des bulbes plus gros avec une peau plus fine. Elle est juteuse et parfumée. Essai concluant là aussi !

Après les bouquets de coriandre et de menthe, ceux de persil (plat et frisé, bourré de vitamines, base du taboulé et compagnon de tous les plats) et d’estragon ont apporté encore plus de verdure et de variété dans nos paniers. Et, s’il-vous-plaît, pas la terne variété d’estragon vendue dans le commerce ! Vincent cultive l’estragon français, le "vrai", Artemisia Dracunculus pour les intimes, qui accompagne avec bonheur salades, poulet et autres viandes blanches, poisson, œufs... Les sauces béarnaise, tartare ou gribiche n’existeraient pas sans lui. Il parfume vinaigre, moutarde forte et conserves de cornichons. Il se conserve une semaine au réfrigérateur si la base des tiges est plongée dans l’eau, et on peut le congeler après avoir haché menu ses feuilles lavées et séchées : on les tasse dans les alvéoles d’un bac à glaçons avant d’ensacher le tout. On profite ainsi de petites portions tout l’hiver.

Et le beurre d’estragon étalé sur un épi de maïs tout chaud, vous avez essayé ?
Vincent va bientôt nous apporter une nouvelle série de son maïs doux. A la variété Séquoïa (délicieuse et bien sucrée), un hybride qu’il cultive depuis longtemps, il a cette année ajouté trois variétés-population pour pouvoir faire des comparaisons. Les variétés population, issues de semences paysannes (contrairement aux hybrides qui sont des cultivars), assurent une plus grande autonomie car on peut les ressemer. Ne débarrassez vos épis de maïs de leurs feuilles qu’au dernier moment, avant de les faire cuire à l’eau bouillante ou après les avoir passés au four. S’il est préférable de les déguster sous 48 heures, ils peuvent se conserver jusqu’à une semaine au réfrigérateur, bien protégés par leur enveloppe naturelle.

Continuons avec les plantes venues d’Amérique du Sud : trois variétés de tendres haricots verts, Soliman (précoce et savoureuse, Vincent en a fait deux semis espacés dans le temps), Maxi ( semé sur 2 rangs de 50 mètres, plus "facile", si tant est qu’il soit facile de récolter des dizaines de mètres de haricots, à récolter à la main, les fleurs, et donc les gousses, étant au-dessus ; malheureusement les lièvres eux aussi trouvent cette disposition tout à fait commode) et Cupidon (ne fait pas de fils, même en grossissant) : toutes trois produisent en abondance d’excellents haricots fins, longs et charnus. Et n’oublions pas les Borlotti, ces beaux haricots italiens, parfumés et de texture fine : Vincent attend que les gousses se colorent pour les récolter en demi-secs...

Nul doute que vous voudrez les cuisiner avec les somptueuses tomates de Vincent. Alors là, on a l’embarras du choix ! Mis à part les tomates cerises ( Miam, miam, pensez à rapporter les barquettes...) et la classique Cobra, toute ronde, toute rouge, toute ferme, elles sont fragiles, d’autant plus qu’elles sont cueillies à parfaite maturité : transportez-les toutes avec les plus grands égards pour ne pas les faire éclater. Et surtout, en arrivant à la maison, disposez-les sur un plat... bien plat, et ne les mettez surtout pas au réfrigérateur, sous peine de leur faire perdre leur goût et leur parfum fabuleux. Surveillez-les... et régalez-vous !
De la Rose de Berne à la Noire de Crimée (les deux plus fragiles, mais quelle saveur ! Privilégiez les accommodements en carpaccio : à peine assaisonnées d’un filet d’huile d’olive et d’ail pilé avec une pincée de gros sel, c’est une merveille), de Margot (très grosse tomate haute et piriforme d’un beau rouge plissé, proche de "Cœur de bœuf") à Rosalie (plus plate, toute en largeur et cordiforme ; une de ces tomates coupée en deux suffit à faire des tomates poêlées pour deux !), en passant par les tomates cornues ( chair très dense et parfumée, peau très fine, presque pas de pépins, ce qui les rend très commodes pour les coulis et parfaites en crudités et en tartes où on peut les disposer en belles rosaces décoratives), c’est la fête !

Et puisque nous avons aussi de beaux bouquets de thym, mettons-le à toutes les sauces... tomates, dans l’eau de cuisson des pâtes ou du riz, mais aussi en compagnie de pommes de terre rôties ou encore d’une belle pièce d’agneau ou de porc au four. Et rappelons-nous qu’il est notre fidèle allié contre les infections : cinq à six brins jetés dans une eau bouillante sous laquelle on arrête le feu et qu’on laisse à couvert 10 minutes nous aideront à passer un bon hiver...

Si vous cherchez encore plus d’idées, outre les recettes que je vous envoie régulièrement, pour accommoder les délicieux légumes de Vincent, allez faire une visite au blog d’Anick :
http://papillesestomaquees.fr/